GONAYV.COM | L'IDENTITE DANS LA DIVERSITE |
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L'identification de la ville des GONAIVES Sur le Net A l ’aube de 2012 (de Pierre-Michel Smith - Miami/Montréal) Il me souvient comme si c’était hier de ces jeunes brillants esprits,écrivains, poètes, théoriciens,militants qui trouvaient un havre chez Gérard Campfort,à la Rue des Casernes. Au temps des fêtesc’était pour eux comme une règle venuede la tradition d’y passer essaimer leur culture,leur savoir-faire, leurs connaissances.J’y allais lire les récits simples, nus, sincères deRichard Constant, de Léon Laleau par exempledans les journaux de l’époque que Gérard conservait.Ce fut un indiscutable régal pour l’esprit.Sans l’érudition ni le talent des hommes de ce cercle-là,j’ai déjà tenté, à l’âge mûr,par Haïti Observateur ou autres journauxde continuer cette forme departage avec les gens de mon pays: dire quelque chose que l’on tait,évoquer de vieux souvenirs, ou quelque chosede propre, presque exclusif chez nous.L’autre jour -jaser pour jaser- je demandeà une très vieille amie ce qu’il advientde son oncle, toujours assis, tranquille,à tel coin de chez elle à Martissant :- Qui ?- Celui-là de Petit- Gôave.- Ce n’était pas mon oncle.C’était l’ami de papa.- Pas votre oncle ! Et la jeune fille lesyeux toujours collés aux livres ?- C’était la nièce de Janin, elle passaitl’année du bac à la maison.MIchou, ma sœur, l’avait fait chercher.Elle vit à N.Y.Autrement dit, ces deux personness’installent dans la famille, mangent,boivent sans aucun lien de parenté,sans la moindre contribution.J’ai connu trois garçons à Poste-Marchandque je prenais pour des frères de même sang.Tout récemment j’ai appris que l’un d’eux-devenu un grand monsieur-allait étudier à la maison de soncondisciple du Lycée Toussaint.Peu à peu il s’est glissé dans la familleet y est resté comme une composante.Le mois dernier, un homme inconnum’est arrivé au bureau. Il s’estprésenté comme mon cousin.Il m’a dit avoir été mis à la porte d’uneécole apostolique de l’ouest américain.Il a pris l’avion pour Miami sans yconnaître personne. Après trois nuits à l’aéroport,il a rencontré un travailleurhaïtien qui l’a amené chez lui etc’est là sa résidence depuis 9 mois, dansl’attente du T.P.S (US Immigration).Il vit, il mange et ne paie pas une piastre.Ce vieil ami jérémien m’a interloqué, sidéré,à une veillée l’autre jour en m’apprenantque cet homme-là, la badine aux doigts,faisant la parade dans le quartier, que le personneldomestique prenait tant de soinà servir avec tant de tact à la table familialen’était ni le frère de sa mère ni unparent de sa tante.C’était un « resquilleur » invétéré et respecté.-- Et les funérailles si raisonnables !« Ki lès ki payé ! »-- « Ou konnin pa gin asirans Jérémie ! »« Ah mon chè pa nwimouin ! »Je veux parler de cette façon d’être,éparse dans la société haïtienne,que l’on trouve chez les artistes,les chefs d’entreprises,les ouvriers, les paysans, les richeset les pauvres. Je veux parler de cetterelation de partage et d’amour quiimplique l’être humain tout entier et qui dépassesouvent de vraies relations de famille.En 1974, je me rends en France avec unebourse bien définie pour un entraînementà l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.Une semaine avant le départ j’apprendsque le logement et la bouffe sont exclus.Désespéré, je me confie à Lucien Smartqui embrasse la cause. Il écrit instammentà Laennec Hurbonque je connaissaisà peine au Sacré-Coeur de Turgeauaprès la fermeture duGrand Séminaire des Jésuites.Laennec m’accompagne à la Cité Universitaireoù je rencontre Gérard Campfort.- Oh ! Que vois-je ! Toi ! Gerard !oh !quelle chance, quelle joie ! je rencontre un ami,un frere,mais dans le plein sens du terme. Lui, dès l’instant, se sent responsable de moi. Il m’invite dans son pauvre réduit de la Maison des Provincesde France avant de m’accompagnerau décanat. Pas une place, pas un coin danstoute la Cité. Alors tout à coup arrive unefemme quelque peu âgée, d’une politessecourtoise, presque cordiale, qui s’informe dequelques illustres Haïtiens à Paris dansles années 40-50. Quand elle me cite les noms dePradel Pompilus, Edward Francisque,Bouchereau, je réagis vite : ils étaient mes vieux professeursaux Hautes Etudes Internationales d’Haïti.Oh ! Si vous aviez vu son bonheur !Après quelques secondes de vide absolu,elle me dit d’un léger mouvement de revenir la voir l’après-midi. C’était pour me donner une clé :« Pavillon du Liban , dit-elle, avec tous les privilèges de la Cité ». J’étais comme submergé par une vagued’émotion devant cet élan de confiance.Elle insiste que c’est l’application, la bonne foi,le sérieux de mes aînés qui me valent cette position.Je garde toute ma vie le souvenir de cegeste sublime et c’est pour en témoignerque l’été dernier, de passage à Dakar,j’ai fait le détour au Campus de l’Universitépour rencontrer quelques étudiants haïtiensrecueillis par le gouvernement sénégalais après le Séisme.Gérard Campfort, dis-je, n’a pas terminé son travail.Chaque matin il utilisait son propre « token »pour m’accompagner à l’Hôpital de la Salpêtrière.Quand après environ 2 mois,j’eus l’acceptation d’un concours pour une résidencemultidisciplinaire à l’Hôpital St-Vincentde Paul Sherhrooke Quebec, c’était une déchirure; la rupture n’a pas été exaltante.Ce ne sont pas ici des mots de politicien qui faitl’apologie de l’homme ou du peuple haïtienpour mieux le flatter. Nous savons aussi quele mensonge, tissé de faits vrais,est à la base de notre éducation et quenotre pays a produit énormément de gens amoureuxde leur propre image : menteurs, manipulateurs,lubriques, rapaces, corrompus, perfides, cupides,enfin des monstres hideux. Mais au cœur mêmede cette boue, cette méchancetéou cette pauvreté quasi- sordide,on trouve souvent quelque chose de candide,d’éblouissant qui désarme. Avec de l’eau sale,impure, la nature fait souvent une source d’eau pure.Philanthropie... Altruisme...Bienveillance...ce ne sont que des mots, applicables partout. Ce flot des mots, de noms ou d’épithètesne traduit pas ces actes pré-cités, désintéressés,inconditionnels qui sont des actes incroyablementbeaux, merveilleusement raffinés dans l’ordre du coeur.Une fois, à Miami, un animateur de radiom’a dit « Po diab ! » en parlant de Campfort.« Il est pâle et maigre ». « A fè li gin lè pa bon,li pa gin lajan ! » Autrement dit,quelle intelligence gaspillée ! Une attitude mentaledéformante qui associe de toujoursla possession de diplômes ou la culture intellectuelle au gain matériel.Le Moyen-Âge disait déjà : « Pecuniae Obediunt Omnia »(Tout obéit à l’argent). J’ai dû le reprendre vite,que Gérard n’a jamais voulu posséder. Son esprit ouvert aux valeurs de l’intelligenceet de la beauté demeure tout à fait sourdaux résonances des réalités matérielles, fragiles,éphémères. Cela a toujours été une vie de simplicitévolontaire, d’appauvrissement volontaire,de sobriété heureuse.Pendant toute une décennie à la Citéuniversitaire, cet homme a été un ami,presqu’un frère pour les étudiants de partout. Un homme quiexalte chez eux la puissance libératrice del’éducation et du livre.La beauté de cette oblativité c’estqu’elle n’est ni ecclésiastique, ni religieuse,ni spirituelle.C’est une ascèse tout à fait laïqueau nom de la grandeur, de latranscendance de l’humain.En fait on voit très peu de gens dansla normalité à montrer un dédainsi sincère pour l’appropriation matérielle.Il est regrettable que cette hautefigure de l’intellectuel haïtien,cette impressionnante réservede talents n’ait pas été retenuepar les dirigeantsde chez nous pour servir son paysin-extenso, qu’elle n’ait pas été cet ambassadeurqui fait trinquer au nom de tant de croyances,de coutumes, de vérités particulières.Enfin l’heure est venue, mes Chers Amis,l’heure tant attendue: Noël avec sa hotte de joyeuses traditions.C’est une nouvelle année qui arrivecomme une belle aube qui annonceun plus beau jour.C’est aussi une saison de silence,de ce silence qui nous relie à l’universet à l’infini, l’équilibre de la vie.Je vous renouvelle à tous mesaffections vives et vibrantes.Que la Nouvelle AnnéeVous fasse meilleurs,Vous rende heureuxPierre-Michel Smith,Published by (www.gonayv.com )Date 12-28-2011MERCI
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